- Eljem
- © Edgar Fonck - NdF
Voyage au coeur de l’histoire de la Tunisie antique
La Tunisie est une terre d’histoire riche et singulière. Depuis l’Antiquité, de nombreuses civilisations ont marqué le territoire, laissant derrière elles des vestiges impressionnants. Partout dans le pays, notamment au nord et au centre, des vestiges archéologiques racontent cette richesse passée. Voyage dans le temps, à la découverte de quelques sites emblématiques.
Carthage, mémoire d’un empire disparu
Carthage offre un impressionnant ensemble de vestiges – pas toujours bien mis en valeur et expliqués – dispersés sur une vingtaine de lieux : thermes en bord de mer, sanctuaire punique (tophet), amphithéâtre, nécropoles, quartiers résidentiels, sans oublier l’acropole de Byrsa, perchée sur une colline avec une vue spectaculaire sur le golfe de Tunis. Le Musée national de Carthage enrichit la découverte avec ses mosaïques,
céramiques et objets exhumés lors des fouilles. À quelques kilomètres seulement de Tunis, le site est une étape incontournable pour saisir la grandeur antique de la Méditerranée, dans un cadre aussi majestueux que stratégique, comme en témoigne la présence du palais présidentiel à deux pas des ruines.
El Jem, un Colisée
Imposant avec sa silhouette massive, l’amphithéâtre d’El Jem, aussi appelé Colisée de Thysdrus, est l’un des plus grands de l’Empire romain, juste derrière ceux de Rome et Capoue. Construit au IIIe siècle, ce monument impressionnant pouvait accueillir jusqu’à 30 000 spectateurs. De forme elliptique, il s’élève sur trois niveaux, avec une arène de 65 mètres de long et une architecture spectaculaire : arches, salles souterraines, escaliers en pierre.
Bulla Regia, la ville romaine à l’envers
Ancienne cité berbère, punique puis romaine, Bulla Regia se distingue par ses villas semi-enterrées, conçues pour échapper à la chaleur écrasante de l’été. Une architecture unique dans le monde romain, avec un étage souterrain superbement décoré de mosaïques presque intactes, vieilles de près de 2 000 ans. Étendu sur plusieurs dizaines d’hectares, toujours en fouilles, le site offre toutes les composantes d’une ville antique : forum, thermes, temples et un théâtre du IIe siècle av. J.-C., permettant de retracer la vie des habitants
à cette époque.
- Dougga
- © Edgar Fonck - NdF
Dougga, la cité romaine la mieux conservée
Située dans le nord-ouest de la Tunisie, cette ancienne cité punique, berbère et romaine s’étend sur 65 hectares et offre un panorama spectaculaire sur la vallée de la Mejerdah. Capitole, théâtre, mausolée lybico-punique et demeures patriciennes forment un ensemble relativement bien préservé, considéré comme l’un des plus beaux témoignages de l’Antiquité en Méditerranée.
Et ce n’est là qu’un aperçu : d’Uthina à Kerkouane, en passant par Sbeïtla, Utique ou Gigthis, la Tunisie regorge d’autres trésors archéologiques offrant chacun une nouvelle facette d’un passé millénaire à explorer.
- Musée du Bardo
- © Edgar Fonck - NdF
Le Bardo, miroir d’un pays pluriel
La France a le Louvre, l’Espagne, le Prado, la Tunisie, elle, est fière de son Bardo. Joyau du patrimoine tunisien, le Musée du Bardo conserve l’une des plus grandes collections de mosaïques romaines du monde mais pas seulement...
Un palais devenu musée
Avant d’être un musée, le Bardo était un palais. Perché à quatre kilomètres du centre de Tunis, il était la résidence des beys, puissants dirigeants de la Tunisie d’avant le protectorat. Son architecture en dit long : superbes plafonds ouvragés en stuc, ou travaillés à la feuille d’or, murs en céramique vernissée, élégantes colonnades, marbres, bois peints et sculptés. Un mélange d’influences locales, andalouses, turques et européennes, qui donnent au lieu une vraie personnalité.
C’est à partir de 1882 que le palais commence sa nouvelle vie. Les premières collections archéologiques prennent place dans les anciens appartements du harem. En 1888, l’ensemble devient officiellement un musée, baptisé d’abord « musée Alaoui » avant de prendre son nom actuel. À partir de là, les espaces n’ont cessé d’évoluer. Le Grand Palais est intégré, puis le Petit Palais. Et en 2009, une extension moderne est
ajoutée, doublant presque la surface d’exposition.
En mars 2015, le musée est touché de plein fouet par une attaque qui fait 22 victimes, en majorité des touristes. Le choc est immense, mais le musée rouvre rapidement, comme un symbole de résilience. En revanche, sa fermeture en 2021, liée à la dissolution par le président Kaïs Saïed du Parlement situé dans le même complexe, dure plus de deux ans et suscite frustration. Il rouvre en septembre 2023 avec des espaces
repensés.
Une collection sans équivalent
Ce qui fait la réputation du Bardo, ce sont d’abord ses mosaïques romaines. Les scènes de chasse, de banquets ou de mythologie y côtoient des figures emblématiques : Neptune sur son char, Hercule et Omphale, ou encore Virgile entouré de ses muses, l’une des pièces les plus célèbres. Mais le musée ne s’arrête pas à l’époque romaine. Il donne à voir une Tunisie bigarrée à la croisée des empires. Dès l’entrée,
la mosaïque des Iles donne le ton avec une cartographie poétique et rêvée de la Méditerranée antique. La partie punique est tout aussi marquante, avec ses stèles sculptées aux formes géométriques venues des sanctuaires carthaginois.
On découvre aussi la période chrétienne, dotée de baptistères et pierres tombales, puis l’ère islamique dans la salle des manuscrits où le Coran bleu de Kairouan attire les regards avec ses pages d’un indigo profond. Plus loin, une salle consacrée aux somptueuses poteries berbères de Sejnane rend hommage à la culture amazighe.
Parmi les nouveaux espaces, la salle du Trésor accueille une collection de 1648 pièces en or provenant de Chemtou. Et la liste est encore longue. Même sans parcours fléché, la visite se fait naturellement dans ce vaste lieu qui raconte une histoire plurielle de la Tunisie.
Tunis, un voyage à travers les époques
Flâner dans Tunis, c’est parcourir une ville aux multiples visages. D’un côté, la médina millénaire, le coeur historique et de l’autre, la ville nouvelle, où subsistent des trésors d’architecture coloniale.
Une ville née sous le protectorat
Traversée par l’avenue Bourguiba, la ville nouvelle est composée de bâtiments publics et de boutiques aux airs européens. Elle reflète des styles variés : italien, Art nouveau et arabisant, témoignages d’un passé pluriel. Ce mélange interroge : s’agit-il d’un héritage colonial ou d’une composante à part entière de l’identité tunisienne ? Pour beaucoup, négliger ces édifices effacerait une part essentielle de la mémoire urbaine. Souvent ignorés du regard distrait, ils méritent d’être redécouverts, notamment grâce aux visites guidées menées par des passionnés comme Hatem Bourial, spécialiste du patrimoine.
Tout commence à Bab El Bhar, l’ancienne porte de France, frontière symbolique entre l’ancienne médina et la ville coloniale. Sur la place de la Victoire, la façade de l’hôtel Royal Victoria, ex-ambassade britannique, attire l’oeil. L’avenue de France, bordée d’arcades commerçantes, mène jusqu’à la place de l’Indépendance, dominée par la cathédrale Saint-Vincent de Paul, mélange audacieux des styles en vogue lors de sa
contruction en 1822.
- Le théâtre municipal de Tunis
- © Edgar Fonck - NdF
Des architectes de renom
Plus loin, le théâtre municipal, oeuvre de l’architecte Resplandy, surnommé « la bonbonnière de Tunis », illustre l’élégance de l’Art nouveau. L’architecte a aussi dessiné toutes les façades de la rue M’barek, dont celle du Grand Hôtel de France, avec ses balcons en ferronnerie fine, ses décors floraux et ses céramiques.
Parmi les architectes de renom de cette époque, le Belge Auguste Peters a signé deux bâtiments majeurs. L’immeuble Disegni (1908), rue de Yougoslavie, séduit par ses arcades vénitiennes, ses colonnes élancées et son escalier orné de faïences inspirées du métro parisien. Son autre oeuvre, l’ex-Tribunal administratif, rue de Rome, construit en 1907, allie élégance et sobriété dans un style éclectique maitrisé.
La médina, coeur historique
On ne manquera pas de visiter la médina, un joyau d’urbanisme médiéval fondé par les Arabes au VIIe siècle. Elle s’organise autour de la grande mosquée Zitouna, d’où rayonnent les principales artères menant à un labyrinthe de souks, où se côtoient libraires, orfèvres, tisserands ou tanneurs. On y croise surtout les habitants, des artisans à l’oeuvre, des échoppes aux gestes inchangés, et une atmosphère préservée. À l’abri des regards se cachent des trésors d’architecture, comme les somptueuses « Dar », demeures patriciennes aux lourdes portes de bois sculpté. La médina accueillait déjà un quartier européen et diplomatique bien avant la création de la ville nouvelle, dont l’église Sainte-Croix, aujourd’hui reconvertie en centre culturel, est un des vestiges.