Israël est un pays bilingue. Dans les faits, cependant, l’hébreu domine assez largement. L’hébreu et l’arabe sont les deux seules langues officielles. L’affichage se fait dans ces deux langues et dans le secteur commercial, parfois aussi en anglais, russe ou français. Au parlement, les députés peuvent s’exprimer dans la langue de leur choix mais il n’y a de traduction automatique que de l’arabe vers l’hébreu. Dans l’administration, l’hébreu reste la langue la plus utilisée bien que la plupart des documents soient, en principe, publiés en deux langues. Dans les tribunaux, on utilise l’hébreu. Il est toutefois possible de s’exprimer en arabe ou en anglais.
Société multilingue
Au niveau de l’enseignement, il existe deux systèmes éducatifs différents. Dans le système arabe, les cours se donnent en arabe classique (à la maison, les enfants parlent l’arabe palestinien) et les élèves apprennent, à partir de la 3ème année primaire, l’hébreu comme langue seconde et ensuite, l’anglais comme langue étrangère. Dans le système juif, les enfants doivent apprendre au moins une langue étrangère. L’anglais est obligatoire et en fonction des écoles, l’arabe et/ou le français sont proposés comme autre langue étrangère.
La francophonie en Israël est importante. Le pays comprendrait entre 850.000 et 1.000.000 de francophones, soit environ 10% de la population. Il s’agit principalement de Juifs d’origine d’Afrique du Nord, arrivés en Israël dans les années 50-60, de francophiles venus de l’Europe de l’est après la chute du Mur et plus récemment de Juifs ayant quitté la France ou d’autres pays francophones suite aux attentats islamistes et à la montée de l’antisémitisme. Les Français sont de loin les plus nombreux (environ 150.000 personnes). Un bon nombre d’entre eux se regroupent dans certaines villes comme Netanya, au nord de Tel-Aviv où l’on compte près d’un habitant sur trois. Ils ont leurs commerces, activités culturelles, médecins, ... en français car, souvent à la retraite, ces immigrants ont du mal à apprendre l’hébreu.
Malgré ce grand nombre de francophones et le soutien de la France, Israël n’est pas membre de l’Organisation internationale de la Francophonie. Les raisons ne sont pas d’ordre linguistique (de nombreux pays membres de l’OIF comptent bien moins de personnes parlant le français) mais plutôt d’origine politique.
Soutien de la France
Le dispositif culturel et linguistique mis en place par la France est particulièrement développé. Cinq établissements scolaires offrent un cursus conforme au système français. L’Institut culturel français possède cinq antennes dans tout le pays ainsi que plusieurs en territoires palestiniens, ce qui multiplie les offres de cours et d’activités culturelles. Le réseau des associations FLAM permet aux enfants franco-israéliens scolarisés en hébreu de maintenir leurs compétences en français. Serge Borg, attaché de coopération éducative et linguistique de l’Ambassade de France épingle quelques initiatives : la Semaine de la langue française organisée en synergie avec 15 autres ambassades de pays membres de la Francophonie, le travail de promotion du français réalisé par le Groupe des Ambassadeurs Francophones, le projet Saison-Croisée France-Israël (moments d’échanges privilégiés entre artistes, intellectuels, scientifiques et entrepreneurs), sans compter le soutien à la promotion du français en collaboration avec les universités et les professeurs de français du secondaire. La France a également investi dans la recherche avec la création en 1952 du Centre de Recherche Français à Jérusalem (CRFJ). Sa vocation initiale était la recherche archéologique avant de s’élargir à des disciplines des sciences humaines, selon trois axes : - archéologie, - histoire, traditions, mémoire, - sociétés et cultures d’Israël et Palestine. Le CRFJ possède une très intéressante chaine Youtube.
Enseignement secondaire
Si le français n’est pas la première langue étrangère étudiée, le nombre d’apprenants est en progression de 15% ces cinq dernières années explique Doris Ovadia, inspectrice générale de français au ministère de l’éducation israélien. Et c’est sans aucun doute grâce au dynamisme de cette ancienne professeure épaulée par une équipe d’enseignants motivés, regroupés au sein de l’Association des Professeurs de Français israéliens (APFI). Les élèves sont attirés par des activités originales et variées : – soirées théâtre entre Israéliens et Olims (immigrants Juifs français) ; – journées du Cinéma français ; – projets sur des thèmes spécifiques comme le sauvetage des enfants juifs en France pendant la Shoah avec projection de films, conférences et témoignages en direct ; – concours de recettes de pâtisseries en capsules vidéo dont le vainqueur aura la chance de se retrouver aux côtés du chef pâtissier de l’ambassade ; – concours culturels type « questions pour un champion » avec à la clé des voyages en France.
Le nombre de francophones de langue maternelle étant élevé (10% environ), le recrutement de professeurs de français ne pose pas vraiment de problèmes. Il y a par contre, assez peu de candidats pour apprendre le français en tant que langue étrangère. Ceux qui choisissent le français, le font par goût pour la culture mais pas à des fins professionnelles. Il y a assez de candidats sur le marché du travail qui ont les diplômes requis et parlent le français à la maison.
Enseignement universitaire
Dans les universités, le nombre d’étudiants de français diminue pour les raisons qu’on vient d’évoquer. A l’université religieuse Bar-Ilan, « en 25 ans, les effectifs ont été divisés par trois, au niveau du nombre de professeurs et d’étudiants mais les chiffres restent stables depuis quelques années » précise le professeur Gary Mole, directeur du département de culture française. Deux filières sont proposées : – la filière culture française avec des cours dispensés en hébreu puis en français quand le niveau de langue est suffisant ; – la filière de français destinée aux étudiants francophones et à ceux qui ont passé le bac en français. Ces filières offrent des débouchés professionnels en traduction, communication ou journalisme. Quant aux doctorants, la plupart partent à l’étranger. Selon Gary Mole, il serait intéressant de penser à développer un troisième programme destiné à ceux qui parlent le français à la maison qui sont très bons à l’oral mais ont des lacunes pour s’exprimer par écrit. Notons que cet établissement scolaire tourné vers la francophonie possède une bibliothèque riche de plus de 35.000 ouvrages en français, la plus grande du Moyen-Orient.
L’université de Tel-Aviv a ouvert un département de français dans les années soixante grâce aux excellentes relations qu’entretenaient Israël et la France. Actuellement, la situation est moins favorable. L’université ne propose plus qu’un programme de français qui compte entre 60 et 80 étudiants. Ce programme consiste en 3 années de licence plus éventuellement 2 années de maitrise. Le français doit être associé à une autre discipline telle que l’histoire, par exemple. Comme à l’université Bar Ilan, ce cursus attire aussi des adultes à la retraite, en élèves libres. Comme l’explique Nadine Kuperty-Tsur directrice du programme, des projets sont développés en collaboration avec d’autres universités francophones comme en Côte d’Ivoire. Plus rien depuis quelques années, avec la Belgique mais Wallonie Bruxelles International continue à financer un abonnement au portail CAIRN. Cette importante base de données regroupe un ensemble de revues de sciences humaines et sociales en français. « Cette ouverture vers une autre culture est essentielle pour notre université plus orientée vers la culture américaine », souligne la directrice.
Les jeunes qui s’installent en Israël peuvent être accompagnés dans leur projet d’Alya (« montée » au sens religieux c’est-à-dire l’immigration pour un Juif vers Israël) par le Centre National des Etudiants Francophones (CNEF) dirigé par Sam Kadosh. « Nous aidons principalement les étudiants à connaitre le système israélien qui est différent du système français. » Pour ces jeunes, choisir de vivre en Israël est une démarche qui demande de la persévérance puisqu’ils doivent apprendre l’hébreu et faire deux ans de service militaire quand ils obtiennent la citoyenneté.
Médias
Au niveau de la presse, pas de journaux en français dans les kiosques mais quelques titres en version électronique comme la parution française de « Times of Israël » ou « le Monde juif ». Plusieurs revues sont publiées en français : « Le P’tit Hebdo », les mensuels « Mosaïques » et « Israël magazine » ou la revue culturelle annuelle « A la Page ». Sans oublier la revue « Continuum », créée il y a près de vingt ans, entre autres, par Marlena Braester, écrivaine et poétesse d’origine roumaine. « Nous voulions faire entendre la voix des écrivains israéliens francophones, mais aussi des écrivains israéliens de langue hébraïque ou arabe, en traduction, ainsi que des auteurs français en traduction hébraïque. » La revue présente chaque année au Salon de la revue à Paris, est distribuée à Paris et même en Belgique. Enfin, la radio et télévision nationales proposent quelques heures d’informations en français par jour. i24News, chaine d’informations internationales en continu qui diffuse ses programmes en anglais, en arabe et en français, a lancé sa chaine TV en Israël en 2018, doublée d’un portail internet.
Les francophiles amateurs de littérature ne sont pas en reste. La libraire « Le Foyer » à Tel-Aviv et la librairie « Vice Versa » à Jérusalem proposent livres et revues en français ainsi que club de lecture ou rencontres avec des écrivains, avec une véritable envie de faire rayonner la culture française. La dynamique nouvelle propriétaire de Vice Versa, Nathalie Hirschsprung, ne manque pas d’idées pour mettre en valeur les sorties littéraires.
Evoquons pour terminer, « Kef Israël », le blog de Rachel Samoul. « Après avoir vécu dix ans en Belgique, je suis rentrée à Tel-Aviv. Je voulais donner une autre image de mon pays que celle du conflit israélo-palestinien. J’ai créé ce blog qui peu à peu a pris une vocation plus littéraire. » Un site qui rencontre un vif succès avec 10.000 visiteurs par mois, la plupart en dehors du pays.