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Le Gard, entre Histoire et Nature

Le Gard, entre Histoire et Nature

Au milieu coule un canal

Le canal du Rhône à Sète relie Beaucaire à l’étang de Thau donc à la Méditerranée. A la hauteur d’Aigues-Mortes, une dérivation rejoint le port de pêche du Grau-du-Roi, en traversant la Camargue. Embarquons-nous à bord d’un bateau et descendons ce canal de Camargue. De Saint-Gilles à la Méditerranée en traversant une partie du delta du Rhône.

18 septembre 2012 - par Dominique Colonge 
 - @ Arnaud Galy
@ Arnaud Galy

Saint-Gilles, une abbatiale de légende

Avant de s’embarquer pour quelques jours de navigation paisible et propice à la rêverie, marchons un instant dans les pas empruntés au fil des siècles par des générations de pèlerins.

Abbatiale de Saint-Gilles, hors norme !

L’histoire de la cité commence au 7ème siècle quand un ermite nommé Gilles décide de venir se retirer ici, loin de tout. Il a pour seul compagnon une biche qui le nourrit avec son lait. Lors d’une partie de chasse le roi wisigoth Wamba vise l’animal mais Gilles s’interpose. Il est blessé par la flèche. Pour s’excuser, le roi offre la vallée Flavienne à l’ermite, lui demandant de fonder un monastère. A la mort de Gilles, de nombreux miracles lui sont attribués et peu à peu le monastère devient un lieu de pèlerinage couru. L’engouement suscité par le culte de saint-Gilles est si grand qu’aux alentours de l’An Mil le pèlerinage devient le 4ème de la chrétienté après Rome, Jérusalem et Saint-Jacques de Compostelle.

Saint-Gilles, la lumière solaire sur l’abbaye

La façade de l’abbatiale, construite entre 1120 et 1160, est un véritable « livre de pierre » chargé d’expliquer aux pèlerins analphabètes le Nouveau Testament, les derniers jours du Christ, la Cène ou l’histoire de Caïn et Abel... Si l’immense bande dessinée qui accueille le pèlerin à l’extérieur de l’abbatiale est le bijou inspiré par l’art roman provençal, l’intérieur est tout aussi impressionnant. Tout particulièrement l’église basse, appelée la crypte. Il s’agit de l’église souterraine aménagée au 11ème siècle. Ses dimensions hors norme accueillaient les premières vagues de pèlerins venus se recueillir sur le tombeau de saint Gilles. La démesure de l’édifice se perçoit également à l’extérieur où se trouvent les vestiges de la partie de l’abbatiale détruite pendant les guerres de religions (1562 – 1622). Un pan de mur se dresse au cœur d’un jardin. A l’intérieur, un escalier que les connaisseurs appellent « la Vis » fait l’admiration des Compagnons du Tour de France depuis des siècles. Il permettait d’atteindre le grand clocher. Sa technique de construction est unique. Les pierres taillées semblent tenir toutes seules, par le simple ajustement de leurs formes ! Dans ce jardin constellé de massives pierres taillées se trouve une petite sculpture représentant un ouvriers écrasé sous un bloc de pierre. Une marque de respect envers les nombreux tâcherons qui perdirent la vie ou l’usage de leurs membres lors de la longue construction.

Glissant au fil de l’eau

La bateau a un avantage indéniable sur le VTT ou la voiture : sa hauteur. Elle permet à ses passagers de dominer le paysage camarguais uniformément plat. Une telle position facilite l’observation des panoramas singuliers ouverts sur l’infini. La Camargue est un espace où l’Homme et la Nature se rendent coup pour coup pour dominer l’autre. L’Homme a pris l’avantage en maîtrisant la gestion de l’eau même si les agriculteurs et les saliniers n’ont pas du tout les mêmes besoins, ce qui cause bien des polémiques ! Mais la Camargue se venge en déposant des tonnes de limon dans le lit des rivières et sur l’ensemble du delta, ce qui perturbe l’ordre pensé par les scientifiques.

La Camargue, graphique et sans concession

Conséquence de cette forte rivalité, le paysage qui défile sous les yeux des passagers des bateaux est un métissage entre une nature à l’aspect sauvage et d’immenses parcelles agricoles.

Dans les rizières...

Là, dominent la culture du riz et l’élevage de chevaux et de taureaux. Dans les années 50, grâce à l’aide financière apportée par le plan Marshall, le riz s’est fait une place de choix en Camargue. La superficie qui est consacrée à sa culture diminue légèrement mais la production de riz long ou rond, blanc ou rouge est stable. Quant à l’élevage, qui lui aussi subit une baisse de superficie, il se porte bien. Chevaux et taureaux sont des symboles de l’identité camarguaise. Le Rosse, le cheval, longtemps utilisé pour les travaux agricoles et pour mener les troupeaux ovins et bovins, est aujourd’hui un « acteur » majeur du tourisme grâce aux randonnées et stages d’équitation. Le bioù, le taureau, de petite taille profondément noir, est la vedette des courses camarguaises. Ce jeu taurin, sans mise à mort de l’animal, consiste à attraper des cocardes ou des ficelles accrochées aux cornes des taureaux. Sa non violence la rapproche de la Course Landaise et l’éloigne de la Corrida. Les divergences éthiques et sportives entre les Camarguais et les adeptes de la corrida n’en finissent pas d’alimenter polémiques et débats !

La lenteur du bateau permet la rencontre avec la faune camarguaise

Controverses dont se moquent bien les hérons, les cygnes, martin-pêcheurs ou les aigrettes qui jouent les acrobates au dessus des bateaux.

Les hirondelles se désaltèrent

Quand vient le soir, les hirondelles dansent de véritables ballets à quelques centimètres de l’eau, saisissant au vol des gouttelettes ou des insectes. Comme les marins d’eau douce, elles admirent les délicates couleurs rosées déposées par le soleil sur les tamaris biscornus et les roseaux dressés sur la berge.

Aigues-Mortes, la grandeur de la France médiévale

Salins du Midi à Aigues-Mortes

C’est l’autre grande étape de la croisière. De près comme de loin la forteresse impressionne. Ses 1640 mètres de remparts sont ponctués d’une vingtaine de tours, dont la majestueuse tour de Constance. Ils témoignent de la maîtrise dans l’art de la construction que possédaient les architectes et les ouvriers du moyen-âge. Pourtant l’histoire d’Aigues-Mortes n’est pas seulement l’histoire d’une réussite. C’est aussi le long combat, perdu d’avance, mené par les hommes contre la nature. Après un siècle de grandeur Aigues-Mortes a connu une lente agonie.

Aigues-Mortes, le sel et la pierre comme abri

Tout commença en 1244 par la volonté du roi Louis IX, dit Saint Louis, d’offrir au royaume de France un port ouvert sur la Méditerranée. Un port qu’il voulait, selon ses mots, « vaste et sûr ». Le souverain décidait ainsi de développer le commerce et surtout de préparer une croisade vers la Terre Sainte. Un campementde 70 000 hommes, dont le roi lui-même, fut implanté dans les marais alentours. Militaires et ouvriers de tous corps de métiers partageaient des conditions de vie difficiles.

Aigues-Mortes, le port sur le canal

Mais les sacrifices consentis par tous furent couronnés de succès. Le port, relié à la mer par un chenal, devint une plaque tournante du commerce méditerranéen. St-Louis accorda de nombreux privilèges aux négociants français et étrangers qui s’implantaient là et chaque bateau qui passait aux abords payait une forte redevance. Quant à la Croisade menée par le souverain français pour conquérir Jérusalem elle rassembla près de 700 bateaux. Aigues-Mortes s’imposa comme le cœur militaire et marin de la France en Méditerranée. Un siècle plus tard, la roue tourna et les crues du Rhône et du Vidourle ensablèrent et envasèrent le chenal qui reliait le port à la mer. Devant les difficultés croissantes, les bateaux de commerce abandonnèrent peu à peu la cité, préférant rejoindre des ports génois ou catalans. En 1529, 1540, 1586 et 1629 des épidémies de peste ravagèrent la région marécageuse et insalubre. Inexorablement Aigues-Mortes perdit son influence et sa tour de Constance fut transformée en prison pour les Templiers et les Protestants. Ancienne porte ouverte sur le monde méditerranéen, la cité devint un lieu seulement propice à l’isolement des indésirables !

En quittant Aigues-Mortes le canal longe les Salins du Midi. Les collines de sel déjà récolté et les étendues d’eau en attente d’évaporation forment un paysage surréaliste. Ce lieu envoûtant cache une faune et une flore très spécifiques : Dunallelia Salina, une algue riche en carotène qui donne sa couleur rosée aux tables salantes ; la salicorne, une plante riche en sel qui assaisonnait autrefois les plats et Artémia Salina, la crevette rendue rose par Dunallelia Salina qui donne au flamand sa couleur rose !

Le port du Grau-du-Roi

Peu à peu la vision des salins s’estompe et le canal s’écoule vers le Grau du Roi et son fameux port de pêche coloré et bruyant.

Le Grau-du-Roi, pêcheurs entrant au port

Sur la jetée, les pêcheurs amateurs, les promeneurs avec leur chien ou les gamins en vélo animent les derniers mètres avant le phare.

L’Espiguette, terminus de la balade

Pour les plus courageux, c’est le moment de décrocher les vélos fournis avec la bateau et de filer droit vers Port Camargue et la plage de l’Espiguette. Histoire de terminer le voyage les pieds dans l’eau de la Méditerranée et se saouler de vent et de sable. Ce dernier bol d’air pris, il ne reste plus qu’à rendre le « navire » !

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