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-----" Les Zébrures de printemps 2024 "----- Un cri du monde

-----" Les Zébrures de printemps 2024 "----- Un cri du monde

GRAND FORMAT
30 mars 2024 - par Arnaud Galy 
 - © Arnaud Galy - Agora francophone
© Arnaud Galy - Agora francophone

Humeur préliminaire -

Qu’on l’appelle « jour », « semaine » ou « mois », ce moment de l’année est le moment où les francophones du Monde s’unissent, qu’ils soient ressortissants de la « f » ou de la plus structurée « F ». Moment béni où les Sénégalais de Saint-Louis et les Ouzbeks de Samarcande ont la même légitimité à promouvoir la langue qui nous unit et à prendre plaisir à la susurrer, la parler et pourquoi pas la vociférer. Par temps de crise, s’époumoner en français fait du bien.
Chacun mijote son plat francophone selon les épices indigènes. Latitude et longitude sont l’alpha et l’oméga de la célébration de la francophonie.
D’où s’écrivent ces lignes, Limoges en France, il y a longtemps que les francophones du lieu et ceux chaussés de semelles de vent, ne tiennent plus compte de la latitude et de l’oméga. La ville est le refuge des voix créatrices de l’espace francophone. Plus de 40 ans que cela dure. Contre vents et marées, malgré les budgets culturels volatilisés, luttant contre des dérives politiques titillant nos bas instincts, l’équipe du festival « les Zébrures » s’agrippe au gouvernail.
Mars est à Limoges le temps des lectures. Les Zèbres viennent du Cameroun, du Congo, de France, de Belgique, du Burkina, des Comores, du Rwanda et du Burundi et du Canada-Anichinabée. Texte en cours d’écriture deviendra grand. Texte lu tout nu sera, un jour, joué sur la scène du Théâtre de l’Union de Limoges ou à Brazzaville, Pondichéry ou Cotonou !
Il y a mille lieux où passer ce mois de la Francophonie, mais Limoges est et, inchalla, restera pour de nombreuses lunes « là où il faut être" » pour tâter le pouls des diversités francophones et confirmer le statut de langue monde que quelques étourdis – à moins qu’ils ne soient stupides et de mauvaise foi – lui contestent. De manière, contre-intuitive, de nombreux Français comptent parmi cette dernière catégorie. Même à Limoges !
Zèbres francophones du monde entier, restons groupés.
Les Zèbres tiennent à leurs rayures !


Un cri du monde

Jean Ferrat ne chantait-il pas dans les années 1980, « je ne suis qu’un cri » ? Le monde chaotique et le chaos du monde conduisent les artistes à s’engager. Sony Labou Tansi serait fier de ses successeurs sur ce plan. Les motifs pour crier sont légion. Les arts se disputent la légitimité du cri de souffrance, de révolte, d’effroi ou terreur. Le fantôme d’Edvard Munch veille sur la sincérité des crieurs. Les Zébrures, qu’elles soient printanières ou automnales sont un porte-voix de ces expressions. Qu’il serait jouissif de n’assister qu’à des lectures incandescentes d’amour ou éclairant le bonheur de vivre en harmonie avec la nature dans un village forestier congolais. Mais l’espèce humaine est bien trop belliciste et orgueilleuse, les dieux bien trop ambigus et corruptibles pour que les sociétés nagent dans « un long fleuve tranquille ».

Chaque dramaturge pose sa pierre cherchant qui la dénonciation, qui la consolation, qui la solution. Chacun son style, chacune son combat.

Cri de l’Histoire oubliée : Penda Diouf et son « Noir comme l’or » ont inauguré cette édition automnale accompagnant des lecteurs hors normes. Parfois hésitants, mais toujours impliqués cette troupe de comédiens amateurs fragilisés ou cabossés par ce qu’on appelle pudiquement les aléas de la vie. Fiers de bonheur d’être là devant 200 personnes dans un lieu magique, le vieux château de Vicq-sur-Breuilh, de partager une histoire d’amour et de descendance sinueuse entre une jeune femme polonaise et un Marocain contestataire dans un paysage de terrils du Nord de la France. Et puis, il y a Jean... Un maître de la peinture.


Penda Diouf entourée des comédiens et de Mathilde Souchaud, metteuse en lecture
© Arnaud Galy - Agora francophone

Cri d’un journalisme en danger : Eric Delphin Kwégoué reçut le prix RFI Théâtre aux Zébrures d’automne en septembre dernier. Fort de cette distinction, il présente la lecture de son « À cœur ouvert » avant de revenir présenter la pièce à la prochaine édition automnale. Qu’en sera-t-il alors de la mise en scène ? Qui sait ? Ce que chacun put apprécier en assistant à la lecture est la tension extrême qu’imposent les comédiens collant au texte. Partant de faits inventés, mais hyper crédibles, car courant sur le continent africain, ce polar cru, violent et oppressant prend le spectateur en otage. Comme le sont les journalistes d’investigation que l’on retrouve au fond d’un container ou d’un terrain vague torturés et exécutés. La scène se passe-t-elle au Cameroun ? Martin Zogo est-il le sujet implicite ? Chacun pense comme il veut.


Eric Delphin Kwégoué interrogé par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore lors de Conversation #1 1/2
Eric Delphin Kwégoué interrogé par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore lors de Conversation #1 2/2
La forme du polar pour contrer l’idée que les dramaturges africains écrivent pour un public blanc.

« À cœur ouvert »
Répétition – quelques heures avant la représentation.

Deux comédiens sur un bord de la scène, répètent à voix basse. Ils lisent le texte à toute allure. Chacun relit son texte, insensible à son voisin. Seuls au monde.

À deux pas, deux autres parlent fort, ils sont en désaccord sur le contexte de leur scène. Se chamaillent.

Un technicien demande à Eric si les chaises qu’il a installées sur le plateau lui conviennent, il doute, car deux sont gris foncé et pas noires !

Une comédienne s’entraîne à monter et descendre le pied de son pupitre. Avec chaise ou sans chaise, elle craint la mauvaise manipulation en direct !

Eric Delphin Kwégoué : allez, tout le monde au plateau !

La répétition commence, très vite un des deux chuchoteurs crie STOP... Il propose de sucrer des petits bouts de répliques. Le ton monte... Non, il ne faut pas.
Si, si, on sucre...

Vous ne voulez même pas savoir pourquoi je ne suis pas d’accord... Bon.

Eric Delphin Kwégoué
© Arnaud Galy - Agora francophone

Eric Delphin Kwégoué :
Attention, nous jouons dans un univers en tension.
Même quand vous ne jouez pas vous êtes en tension,
Les corps sont en tension, tout le temps.
On ne touche pas à ses feuilles, ni à sa casquette.
On est dans le jeu même si on ne joue pas !!

Ton sérieux

En fond sonore, un rap, entêtant, oppressant - « qui sera le prochain ? »

Répétition terminée, le technicien indique qu’il reste 20 à 30 minutes de libre sur le plateau, les comédiens décompressent, se charrient, une histoire bas-peuple, d’argent et de vacances les fait se marrer, ils sont difficiles à suivre.
La comédienne « blogueuse - pamphlétaire » répète son texte, à voix haute, elle articule exagérément !!

Eric Delphin Kwégoué reprend, toujours sérieux...
Jouer en tension ne veut pas dire oublier les nuances.
Attention, dans les scènes de colère, il y a des étages : où est ton mari, on coupe un doigt, on coupe deux doigts ! Les étages montent...
La musique apporte le tragique pour le public pas pour les comédiens, toi, tu n’attends pas la musique pour jouer le tragique
.


« À cœur ouvert » - Répétition
© Arnaud Galy - Agora francophone

Nadale Fidine chaleureuse avec les comédiens
© Arnaud Galy - Agora francophone

Cri de douleur à l’âme : Nadale Fidine fut sélectionnée, en 2020, par la Chartreuse pour une résidence dite « Odyssée » semblable à celle de Limoges, mais la pandémie interdit les déplacements et Nadale Fidine dut rencontrer sa binôme, Sandrine Roche, par l’intermédiaire d’un écran. Une résidence COVID en somme ! En plus d’une résidence d’écriture à la maison des autrices de Limoges, l’équipe des Francophonies, de l’écriture à la scène lui a offert le compagnonnage de son compatriote Kouam Tawa. Dramaturge, poète et metteur en scène, le talent et l’expertise de cet habitué des places-fortes de la francophonie n’est plus à démontrer. Tous deux ont œuvré dans l’ombre jusqu’à aujourd’hui (1).
L’écriture est un art qui se pratique seul. Souvent. Presque obligatoirement. Pourtant, certains zèbres s’adonnent au compagnonnage complice. Les Zébrures de Printemps stimulent le bourgeonnement de ces binômes créatifs. L’une est 100 % camerounais. Nadale Fidine est une autrice en devenir. Roman, théâtre et poésie, son champ d’action est large. Elle sollicite les éditeurs, attend et espère. « Revers », roman où elle pointe la corruption et l’arnaque en vogue dans son pays a reçu le prix de la fiction littéraire au Cameroun. Nadale Fidine est une autrice du réel, concerné par la société. La jeunesse désœuvrée est au cœur de sa réflexion, ainsi que le cortège de drame qui l’accompagne : émigration, drogue et faits divers sordides.


Nadale Fidine brosse le contexte de sa pièce.

Ce matin, direction le collège Pierre Donzelot à Limoges. Une soixantaine de collégiens de diverses classes, tous allophones, sont là pour une lecture. Sept jeunes comédiens de l’École supérieure de théâtre de l’Union ont travaillé avec Kouam Tawa pour mettre en scène cette lecture, première expérience théâtrale pour l’immense majorité des jeunes. Une heure de lecture qui se termine par une franche salve d’applaudissements. Quelques larmes coté public, mais pas que...


Ecouter la lecture de son texte en écriture...

Cette histoire d’enfant qui disparaît d’un village résonne universellement. Cameroun ? Fait divers fréquents souligne Nadale Fidine. Mais dans quelle contrée n’a-t-on jamais vu un enfant disparaître ? L’universalisme a touché le jeune public qui pour la plupart a des origines étrangères et s’est reconnu dans l’atmosphère de la pièce.


Après la lecture, que va devenir le texte ?

Kouam Tawa a conçu la lecture de Wilé !, la pièce écrite par Nadale Fidine. Le metteur en scène et poète camerounais précise l’objectif d’une lecture...

Une lecture ? A quoi ça sert ? Le rôle du metteur en lecture 1/3
Une lecture ? A quoi ça sert ? Le rôle du metteur en lecture 2/3
Une lecture ? A quoi ça sert ? Le rôle du metteur en lecture 3/3

Kouam Tawa et Nadale Fidine après la lecture interprétée par les élèves de l’Ecole supérieure de théâtre de l’Union
© Arnaud Galy - Agora francophone

Cri poétique : Poly-glotte, proposition artistique singulière écrite par Emilie Monnet fait débat au sein de la communauté des habitués des Zébrures. En quelque 50 minutes, l’autrice canadienne aux origines anichinabées bouscule : est-ce du théâtre ? Ne sommes-nous pas confrontés à un exemple d’appropriation culturelle que certains jugent insupportables ?

Léa Miguel, comédienne de Poly-glotte 1/2
Se fondre dans un univers sans appropriation culturelle
Léa Miguel, comédienne de Poly-glotte 2/2
Partage et non appropriation culturelle

Poly-glotte - Emilie Monnet
© Christophe Péan

(1) 21 03 2024

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