« Au bout de ma table »
Un deuxième album. Bien reçu, merci. Écoute en boucle... Des heures passées, la tête entre les mains, les yeux fermés, à écouter. La même veine que le premier, Échos. Une interprétation engagée, une voix et des textes qui se méritent l’un l’autre. Du cousu main.
Un album pétri d’amour sans chansons d’amour lalala. Le ton grave entrecoupé de sons plus dynamiques, comme « Je recommence ». C’est fou comme un texte qui ne parle que d’échecs peut faire sourire grâce à un clip dont certaines scènes rappellent un cinéma muet d’antan. Marion « recommence », ne peut s’empêcher d’aimer et pourtant. Échec. Parapluie, valise, sous la pluie.
L’album s’intitule « Au bout de ma table », table campagnarde, horloge comtoise et petit chien qui furète. Une table où l’artiste nous invite à en savoir davantage sur elle et les siens, ses doutes, ses inspirations et ses dégoûts. Un album et une table où elle assume d’être « une louve solitaire ». Sous-entendu, si ça ne vous va pas, la porte est grande ouverte. Mais non, ne partez pas. Vous manqueriez la rencontre avec la grand-mère de Marion. Complices à faire des jaloux. Quel beau marqueur de temps que sont les hirondelles. Vous manqueriez, aussi, cette escapade nostalgique à Vancouver et aussi, le cri de cette jeune femme qui ne demande que le respect.
Faut-il comparer au premier album ? Non, pas comparer, juste voir de la cohérence. Une œuvre en construction. Avec les mêmes douleurs exprimées à la place d’une jeunesse qui marche sur un fil. De quel côté tombera-t-elle ? Aussi, une ouverture vers d’autres espaces, vers d’autres expériences, d’autres âmes en peine à rattraper par le col. Un certain Kurt, par exemple. « The » Kurt, désolé pour les autres prénommés ainsi, mais quand on cite le pont d’Aberdeen et la question homosexuelle, il n’y a qu’un Kurt. Lui aussi a besoin de Marion. Besoin de quelqu’un qui comprenne toutes ses contradictions, ses fêlures, ses rires et ses rêves. Magnifique hommage. Si Marion Roch est capable de comprendre un perplexe Kurt Cobain, elle continue à montrer son empathie et sa finesse face à un anonyme « Achille » qui du haut de ses différences l’émeut... Bon, faut pas, quand même qu’il monte sur le toit de l’école ! Quand même. Toujours, un petit ton décalé qui fait baisser la tension. Est-ce volontaire ou est-ce moi qui entends de la sorte ?
Dans « Avant d’avoir vécu », aucun sous-entendu pour faire baisser la tension. Les enfants, on ne touche pas. D’où qu’ils viennent, quoi qu’ils aient fait ou pas fait. Pourtant, que d’enfances sacrifiées.
Marion Roch poursuit son chemin au milieu des perdants et des perdus, pas pour rien qu’un certain Renaud l’ait adoubée !
- Marion Roch, en arrière plan, son autre vie !
- © Marcel Hartmann
PORTRAIT, consciemment subjectif !
Marion Roch, petite fée énervée !
Parfois, une voix détonne, foudroie, éclaircit...
Ce n’est que son deuxième album et déjà, je prends les paris, son public s’élargira et ne l’abandonnera pas. Marion Roch à juste trouvé sa place, elle sait écrire, elle sait chanter et sait s’entourer. Diantre, c’est pas mal, non ? Sans doute, cette alchimie fut-elle rendue possible par l’irrépressible nécessité de faire ce boulot. Rien n’a pu la faire dévier du chemin de la scène. Ni le cheval, pourtant la demoiselle en avait le format et les aptitudes du haut niveau ; ni le métier d’éducatrice qui remua ses tripes. N’a-t-elle pas entendu, le classique « Pauvre fille, tu vas faire quoi, écrire des poèmes ? » Ben oui ! La chanson a gagné, nous aussi d’ailleurs.Pourquoi « petite fée » ?
Nooon, pas du fait de son format cavalière. Ce serait trop réducteur ! Je la vois ainsi, je l’imagine virevoltante autour des cassées, des fracassés, des bouleversés chroniques, des victimes d’injustices, des pas comme les autres, de celles qui ne décident pas par elle-même, celle qui « avale »... La petite fée les aime, les soutient, les comprend, les secoue, ne les juge pas... Marion Roch est une porte-parole. Elle entre dans l’âme et le ventre des mal barrés de la vie. Elle prend leur place, les porte au creux de ses mains. Vous savez, comme quand on prend du sable dans ses deux mains et qu’on fait tout pour que les grains ne glissent pas, ne tombent pas. Éviter la chute. Et pour équilibrer cette observation de l’Autre, Marion, parfois, parle d’elle. Pas façon, mon nombril, ma vie, mon œuvre comme la littérature française nous en sert à longueur de rentrées. Façon combattante. Pas victime. Oui, la vie est dure, mais raison de plus pour lui rentrer dans le lard.Pourquoi « énervée » ?
Parce que pour lui rentrer dans le lard, il faut un brin d’énervement. Pas celui qui rend maladroit et qui empire la situation. Un énervement de chanteuse de blues. Dans une autre vie, avec d’autres rythmes, j’imagine bien Marion Roch en blues jazzy. Oui, dénoncer les injustices ne peut se faire en rythme pouet pouet. Il faut bien projeter ses mots, ses maux avec conviction et puissance. Énervée, mais en légèreté. Oxymore ? Peut-être. Mais l’accompagnement musical de Marion Roch est juste magique. Une contrebasse, ça rime avec classe. N’est-ce pas "M le juge" ? Un DJ hors pair qui me réconcilie avec sa profession, écoutez « Viens » d’urgence. Un côté cuivre pour donner la pêche au lieu de sombrer, ainsi va « Je recommence ».Alors, si « Espoir » ne vous ouvre pas les yeux sur ce qu’il vous reste à vivre ? Si « Achille » ne vous donne pas l’envie d’être complice avec un gamin dit... différent ? Si « la Bête au ventre » ne vous conduit pas à changer de ton avec une adolescente larguée ? Si vous n’avez pas l’envie de partager « le bout de « la » table » de Marion ? Si vous ne chialez pas de honte et de souffrance piqué par « Avant d’avoir vécu » ? Je vous raye de mes ami(e)s FB, sanction suprême de l’époque !
Alors aidez le p’tit bonhomme à préparer ses « p’tites affaires ». Ne voudriez-vous pas chercher « les bons outils » pour que cette gamine s’en sorte ? Et puis, les yeux dans les yeux, dites-moi, ne l’aimez-vous pas sa grand-mère, Juliette, et ses hirondelles, partie trop tôt parce que « Les 1000 pieuvres » n’ont pu la sauver ? N’accompagneriez-vous pas Marion « La petite fille qui chante » à Vancouver ? Celle qui a un cœur d’artichaut et une poigne de fer.
Moi, si !
Allez, le panda sous le bras, viens, on sauve la terre ! On prend la « Ligne 14 ».* Ce texte mélange allègrement des références aux deux albums de Marion Roch. Echos et Au bout de ma table