Sogra : OVNI : objet Visuel non identifié, objet Visionnaire non identifié, objet Vital non identifié, objet Violent non identifié, objet Volcan non identifié
Texte encore plus personnel que d’habitude... totalement émotionnel, sans aucune valeur journalistique...
Sans être particulièrement, ni sado ni maso, parfois, j’aime prendre une baffe. Attention, il faut qu’elle soit justifiée. Même par un argument capilotracté, un zeste justifié suffit. Une baffe ? Ici, que dire d’autre ? Il n’a fallu qu’une poignée de secondes pour que je me retrouve pris à la gorge par la mise en scène, la mise en lumière, la mise en image(s) qu’Hatem Derbel nous jette à la figure. 1 h 30 plus tard, je respire enfin, j’ai l’impression d’avoir oublié de le faire ce temps durant. Je me suis levé, suis sorti du théâtre Jean Gagnant oubliant tout signe de convivialité, ai remonté le long boulevard portant le nom du résistant qui donne son nom au théâtre. Les images se bousculaient dans ma tête, l’effroi vu dans les yeux des acteurs me poursuivait, ce qui m’interroge et me file la frousse dans la société du moment avait été là, devant moi, matérialisé. J’avais été percuté par mes propres frayeurs.
Raconter Sogra ? Vertige. Désolé, impossible.
Comment raconter vers quoi le trio d’acteurs, Senda Ahmadi, Taoufik El Ayeb et Basma El Euchi, nous embarque ? D’autant qu’ils ne le savent pas vraiment eux-mêmes. Lui, l’homme, pas si mauvais que la première impression qu’il donne de lui pourrait laisser entendre ; elles, effrayées, paumées, perdues, comptant sur lui pour retrouver la lumière. Lui est une sorte de passeur. Un genre malfrat qui, si on cherche bien, a un cœur. Il doit les faire passer à Sogra. L’utopie, la ville apaisée, qui n’est que santé, soleil, écoute et générosité. Un vrai catalogue, le bonheur tartiné du matin au soir. Hors de Sogra, tout n’est que violence, destruction et combat entre les tribus survivantes.
Pitch plutôt insipide. Insipide par rapport à ce qu’en a fait l’équipe technique. Un certain Sergio Gazzo tient le rôle du boss de « Scénographie et conception vidéo ». Je jure sur mon livre de chevet que je ne connais pas ce Monsieur. Pas de copinage. Son travail explose à la figure du spectateur. Un flux d’images. Artificielles, IA, bidouillées, surbidouillées, postproductionnées ? Probable. Pour une fois, j’aime l’IA. De la pure création. Un long tunnel absorbant d’atmosphères plus étranges et glauques les unes que les autres. L’impression de glisser dans une 4e, 5e, 12e dimension. Dans l’utopie de Sogra autant dans la répression et le chaos du monde extérieur. Dali et Vasareli métissés avec le plus pointu des reporters de guerre, David Lynch à l’horizon, les encres noire et blanche des meilleurs bédéistes, tout est là. Je m’emballe, je m’emballe. Le vertige ressenti sur mon siège fait déraisonner mon écriture.
Va-t-on se sortir « avec les honneurs » de ce monde de propagandeS, de faits et de vérités alternatives, de violences gratuites, de dieux intolérants, de gouvernants psychopathes ? Notre trio de fuyards n’apporte pas vraiment de réponse. L’IA sera-t-elle « la » solution ? Rire désespéré. L’utopie de la dictature heureuse que semble espérer une partie de l’humanité tolérera-t-elle la singularité de chacun, la création artistique et l’existence d’une presse libre ? Gros doute. Prendre une baffe maintenant suffira-t-il à éviter le pire. Candide. Merci Hatem Derbel d’avoir tenté le coup. Pas sûr que cela suffise, mais ce ne sera pas de votre faute si nous fonçons droit dans le mur.