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Carnets Vanteaux - Bärlin

Carnets Vanteaux - Bärlin

7 juin 2022 - par Julie Mougenot 
 - © Pixabay - Kalhh
© Pixabay - Kalhh

Les Carnets Vanteaux avec l’atelier Microfictions
animé par Milena Mikhaïlova Makarius

Consigne : Réécriture d’une microfiction de Régis Jauffret, Babylone (Microfictions, éd. Gallimard, 2007, Folio, p. 39-40) dont voici le début : La ville est un ventre chaud où nous pouvons continuer à vivre au milieu d’un brouhaha qui nous rappelle avec délice la rumeur des organes de notre mère à l’époque où nous étions encore plongés dans le liquide amniotique. J’ai toujours recherché les lieux éloignés des jardins, des arbres, des coulées vertes comme la bile. J’ai besoin de la fumée des voitures, des camions, des autobus. La pollution est l’odeur de l’activité des hommes, de leur suprématie sur la barbarie des forêts, des bêtes, de la terre avide de nos cadavres. ( …)

Autrefois nerf de la guerre, c’était désormais sa richesse culturelle et son effervescence qui primaient. L’arpenter équivalait à s’aventurer ; tandem mêlant beauté et douleurs du passé. C’était, entre autres pour ces raisons, que sur le tarmac de Schönefeld, j’avais un jour posé mon pied.
Charlottenburg avait été le premier quartier que j’avais visité. Je m’étais immédiatement sentie transportée. Les boutiques et les restaurants chics du boulevard Kurfürstendamm m’avaient totalement fait oublier la mélancolie de mon âme flétrie. Les graffitis qui parsemaient le Mur auprès duquel j’étais venue me balader m’avaient appris que même la Ville Grise pouvait être colorée dès lors, mon cœur se teinta de mille couleurs.
C’était aussi pour son calme qu’il m’était régulièrement arrivé de venir me poser au bord de la Spree pour regarder les bateaux touristiques naviguer. D’innombrables et délicieux endroits pour se ressourcer. La vie avait repris et moi, je n’étais plus une fleur en train de faner. J’étais devenue vivace, carnivore ; je voulais tout dévorer, tout savoir, tout voir. M’enivrer. Me gaver de noms de rues alambiqués, m’émerveiller sur l’Île aux Musées, enquiller les bières dans un Biergarten jusqu’à finir alcoolisée. Mon monde s’était définitivement remis à tourner, un grand-huit dans la tête, plus rien ne pouvait m’arrêter.
Je renaissais et, alors que mes pas foulaient les pavés, je me sentais invincible, hors de portée. Je me trouvais à présent à deux heures de vol de la capitale française, loin des rats qui maculaient les rames de métros et des souris qui se promenaient dans les égouts de Paris.
Berlin était devenue ma maison, éloignée de tout, des passants qui n’avaient jamais le temps, et de la pollution.

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