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Carnets Vanteaux - Douces-amères

Carnets Vanteaux - Douces-amères

7 juin 2022 - par Esther Schneider 
 - © Flickr - misato
© Flickr - misato

Les Carnets Vanteaux avec l’atelier Microfictions
animé par Milena Mikhaïlova Makarius

Consigne : Ecrire une microfiction en utilisant, dans un ordre libre, les trois mots suivants : blessure – lumière – pamplemousse.

Lentement, Lily s’éveille, mais elle se sent faible. Tout est sombre. Tout est silencieux. Elle se lève péniblement du lit, laisse son corps la guider et ses mains explorer. Un lit, un bureau, une armoire. C’est tout. Elle ouvre cette dernière avant d’être aveuglée par ce qui lui semble être une robe. Elle ne peut résister à l’envie d’aller la toucher.
La lumière se fait plus intense et un souvenir la transporte alors ailleurs. Salle de réception, invités, grande occasion. Bonheur. Un grand miroir au fond lui montre un couple, aux couleurs du Yin et du Yang, esquissant leurs premiers pas de danse. Ce sont de piètres valseuses, mais Lily sait qu’elles s’en fichent. C’est le plus beau jour de leur vie.
La magie du mariage s’évapore et le silence de la chambre se fait plus rare. Un faible murmure de mots remplit l’espace et volette autour d’elle avec légèreté. Elle tend l’oreille pour en comprendre le sens, en vain. Lily prend alors conscience qu’un regain d’énergie s’invite dans son corps et qu’il en demande plus. Sitôt souhaité, sitôt exaucé. Le lit laisse place à un bar, le bureau à une cuisinière et l’armoire à un frigo, où un dessin est fièrement aimanté. L’éclat qu’il dégage la saisit et les murmures se font plus présents, plus implorants. 
Un doux rire enfantin la recouvre avant que Lily ne mette un nom dessus. Son fils joue avec une femme aux cheveux auburn qui est en train de le laisser gagner. Lui semble oublier qu’ils sont en pleine partie puisqu’il saute au cou de la femme. Ils tombent sur l’herbe dans un roulé-boulé de câlins et de bisous agrémentés de rires. Lily se joint volontiers à eux.
Elle émerge à la frontière du jardin et de la cuisine, ses batteries à demi rechargées. Au loin, l’unique cerisier du jardin qui rayonne de tout son être lui donne la chair de poule. Elle s’élance vers le souvenir lumineux. Elle en a besoin. Il faut…

– Ne fais pas ça ! l’arrête la voix des murmures.

Elle se sent immédiatement ramenée à l’intérieur de la maison. Derrière elle, la porte-fenêtre claque, l’obscurité redevient reine. Lily fait volte-face puis découvre la même femme aux cheveux auburn. Elle a son nom sur le bout de la langue…

– Pourquoi ? Je suis bien ici.

Lily tente de rouvrir la porte-fenêtre, sans succès. Elle sent son énergie diminuer et se plie de douleur.

– Ta blessure… Elle empire ! 
– Quelle blessure ?
– Commotion cérébrale. Les médecins font tout ce qu’ils peuvent.
– Je veux pas être soignée, je veux récupérer mon énergie ! 
– Et Léo ? T’as pensé à lui ?

Lily repense au dessin, au grand sourire que le petit garçon arborait dans son souvenir. À la joie qu’ils ont ressentie. Chemin faisant, ses yeux rencontrent le visage de la femme. Ambre… Maintenant ses traits sont plus nets, plus familiers, plus inquiets. 

– Laisse-moi te montrer quelque chose, dit Ambre en tournant les talons.

Lily l’entend farfouiller dans la cuisine, préparer un plat, peut-être. Elle revient et lui fait manger quelque chose de pulpeux au goût de savon. 

– C’est dégueulasse, Ambre !

Cette dernière rit, repart dans la cuisine et saupoudre quelque chose. Lily goûte à nouveau.

– Là, ça se mange…
– Voilà, c’est ce que je pense de ma vie. Amère sans toi, plus douce avec…
– Vraiment ?
– Pitié, Lily, la supplie-t-elle. Je veux pas redevenir un pamplemousse nature…

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