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Carnets Vanteaux - "Le mépris" I

Carnets Vanteaux - "Le mépris" I

20 octobre 2021 - par Esther Schneider 

Consigne : Ecrire une page (au maximum une page A4) "inspirée" par la scène inaugurale du film "Le mépris" de Jean-Luc Godard.


Au milieu d’une pièce sombre, une femme est à même le sol, sur les genoux. Son ton calme contraste avec la récente perte de son compagnon.

Femme  : Avant même que tu ne tombes, je l’ai sentie. Cette maudite intuition féminine. Celle que je redoutais le plus à ce stade du combat. Elle a fait rage dans ma poitrine. Je te surveillais du coin de l’œil ; la tienne était encore intacte. Une seconde d’inattention. (Bref silence.) C’est tout ce qu’il a fallu pour que tu agonises. (Elle se relève.) Pour que cette ordure de Diable t’enlève et te traîne de force dans ses bas-fonds brûlants ! (Elle réfléchit, puis a un déclic.) Mais je comprends mieux pourquoi il te convoitait tant… tes défauts ! (Désespérée.). J’ai désiré tellement de fois qu’on te les arrache ! (Elle pointe le vide du doigt.) Ton aberrant recourt à la cigarette, par exemple : RI-DI-CULE ! Tu ne jouais même pas dans la cour des vrais fumeurs… (Elle lève les yeux au ciel.) Toi, tout ce qui t’attirait, c’était la fausse compensation que tu pouvais en tirer. (Elle met les mains sur les hanches.) Monsieur était triste ? En colère ? Désespéré ? (Elle écarte les bras.) BAM ! Trois clopes en moins. Et puis jamais de feu sur lui, hein ! Trop tête en l’air ! (Elle se retourne, fait les cent pas.) Et puis ta fâcheuse manie de toujours tout dramatiser… Au moindre problème, à la moindre difficulté, tu t’isolais en grande pompe. Tu tapais une crise pour quoi, une seule petite remarque ? (Découragée.) Et tu mettais des heures à la digérer dans ton coin ! (Elle s’arrête de marcher. Silence.) Mais tu réussissais très bien tes sorties claquantes… (Elle lève un doigt, sûre d’elle.) Ça, je m’en souviens ! (Elle rit légèrement.) Et notre porte-monnaie aussi… Combien de murs a-t-on dû réparer ? (Silence. Les souvenirs de son compagnon défilent.) Eh oui, ça coûte cher, un tempérament impétueux… (Silence.) Mais tu prenais les choses tellement à cœur, aussi. Monsieur modération n’existait pas pour toi ; il fallait absolument que tu prennes un reproche avec dépression et un compliment avec euphorie… Mais ce côté lunatique, moi, je ne le détestais pas tout à fait. De même que tous tes défauts. Je les aimais. Tu sais, ta façon de tout vivre à 200%, ta façon de me communiquer ta bonne humeur… Tu suffisais à rendre ma journée meilleure. Tes attentions n’y étaient pas non plus étrangères… Outre tes cadeaux répétés, tu étais le roi de l’écoute. Pourtant, tu connaissais mon caractère de pipelette… mais ça ne t’arrêtait jamais ! (Silence.) Alors oui, je t’aime encore. (Elle se laisse tomber à genoux.) Mais tu représentais l’amour avec le plus de ressources que j’ai connu… (Elle pose la main sur son cœur.) Je crois que, si aujourd’hui j’étais capable de regarder quelqu’un d’autre, personne ne t’arriverait à la cheville. Pas parce qu’il n’aurait ni ta personnalité ni ton physique, non. Je crois plutôt que pour mon cœur, t’aimer a requis tellement de force que s’il aime à nouveau, il ne ressentirait plus le piment que tu rajoutais à ma vie.

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