Depuis quand l’UPF existe-t-elle ?
Il s’agit de la plus ancienne organisation francophone de journalistes et de médias. Elle est née en 1950.
Dans quels pays est-elle présente ?
Nous sommes organisés dans 52 pays, mais nous avons des adhérents dans près de 80. Il faut noter un accroissement important de notre organisation depuis 5 ans, puisque nous sommes passés d’une trentaine de sections nationales à plus de 50. J’ajouterai qu’il ne suffit pas d’avoir des sections organisées, encore faut-il qu’elles soient actives… Bien sûr, comme dans toute grande organisation, certaines le sont beaucoup et d’autres moins ! Mais là encore, nous sommes dans une phase ascendante : les activités se multiplient, et un toujours plus grand nombre de sections organisent rencontres, débats, initiatives diverses…
Quels sont ses missions et ses objectifs ?
Chaque section les détermine, dans un cadre général : contribuer au développement des médias francophones, et défendre la liberté et l’indépendance des médias. Nous entendons jouer un rôle aux côtés des autres organisations partageant ces objectifs pour y parvenir. Bien sûr, les questions de déontologie, de responsabilité des médias et des journalistes sont au cœur de nos préoccupations. Nous pensons que les médias francophones attireront d’autant plus qu’ils seront les meilleurs sur ces questions ! Nous nous préoccupons donc également de formation, domaine très demandé par nos adhérents. Nous avons en ce sens passé un accord de partenariat avec Actions Médias Formations, une ONG de bénévoles expérimentés, et nous voulons contribuer à inscrire cette question dans la durée.
Cette année, les Assises de l’UPF ont lieu en Arménie. Quels en sont le thème et les axes de réflexion ?
Le thème est éminemment d’actualité : « Médias et migrations »… Nous allons réfléchir ensemble à l’image donnée par les médias dans la représentation des flux migratoires. Quelle place ? Y a-t-il un rôle militant des médias sur ces questions ? Y a-t-il parfois manipulation ? Quel langage ont les médias pour en parler ? Quelle est la place des médias issus de l’immigration ? Quelle place et quel rôle ont les images ? Tous ces ateliers et ces tables rondes verront des confrères et consœurs expérimentés faire part de leurs pratiques, et de leurs expériences, et les travaux seront édités sous le parrainage de l’UNESCO, partenaire de nos assises.
Les tensions politiques en Arménie de ce printemps ont-elles perturbé l’organisation de ces Assises ?
Oui ! Nous avons eu plusieurs semaines de « blanc », pendant lesquelles il était impossible de travailler de façon efficace. Mais notre section arménienne, et en particulier notre consœur Zara Nazarian, ont mis les bouchées doubles pour rattraper le temps perdu…
Dans un monde en plein bouleversement médiatique, quelle place occupe la presse francophone ? Comment répond-elle aux défis que sont Internet et les réseaux sociaux ?
Tous les médias sont en devenir, qu’ils soient francophones ou pas… Les situations sont évidemment diverses d’un pays à l’autre ! Là où le français est dynamique et pratiqué par la majorité des citoyens, les médias francophones tirent leur épingle du jeu… Mais là où le français est très minoritaire, ils ont des difficultés plus grandes. La question clé reste : des médias francophones pour quoi faire ? S’il s’agit de publier ou de mettre en ligne pour le plaisir de le faire, alors ils n’auront pas un grand avenir ! Les gens se tourneront vers les médias francophones s’ils y trouvent une information indépendante et de qualité, une valeur ajoutée par rapport aux autres médias. C’est d’abord vers cette valeur ajoutée qu’il nous faut agir, en encourageant toutes les initiatives positives en ce sens.
Le sentiment d’appartenance à l’espace francophone est assez peu développé dans le monde. La presse francophone a-t-elle un rôle à jouer pour le renforcer ?
L’œuf ou la poule ?..... L’un ne va pas sans l’autre. Mais il est évident que la francophonie a besoin d’un contexte culturel, scolaire, universitaire et médiatique pour se développer. Et dans un tel contexte, les médias francophones bénéficient alors d’un cadre optimum… mais encore une fois, cela ne suffit pas : ils doivent aussi être les meilleurs en terme de qualité d’information… apporter un plus aux citoyens, et donc être reconnus comme indispensables. Et dans le même temps, ils sont également indispensables pour le développement de la francophonie, au même titre que l’école et l’université.
Récemment, vous avez rencontré Michaëlle Jean, la Secrétaire générale de l’OIF. Quel lien entretient l’UPF avec la Francophonie institutionnelle ?
Nous avons d’excellents rapports avec l’OIF et sa secrétaire générale. Nous nous concertons régulièrement, et l’OIF soutient nos initiatives. J’ajouterai que la qualité de nos relations est d’autant plus grande que nous tenons à notre indépendance absolue vis-à-vis de toutes les institutions. Et cette indépendance n’a jamais été mise en cause ! Nous n’avons aucun lien institutionnel avec qui que ce soit…
Le classement de Reporters Sans Frontières sur l’état de la liberté de la presse affiche un résultat plutôt mitigé pour la presse francophone. Comment expliquez-vous ce résultat ?
C’est vrai, il y a des progrès importants à faire. Les questions principales sont liées à l’indépendance des médias, et sur ce plan, la France elle-même a des progrès à faire, qui n’est classée que 33e… Il y a encore trop d’arrestations arbitraires, de pressions sur les médias via les aides à la presse ou la publicité… Nous agissons souvent aux côtés de nos sections nationales pour faire progresser la liberté de la presse. Et il faut aussi souligner les progrès : de plus en plus de pays francophones ont décidé de dépénaliser les délits de presse… et la question de la responsabilité des médias est souvent présente : ne pas prêter le flanc en publiant des injures ou des calomnies a son importance !
Nous sommes en train de travailler sur un relevé des règles et principes minimums pour une presse indépendante et libre, que nous proposerons aux États d’appliquer. C’est une décision de nos assises de Madagascar en cours d’application.
L’OIF prévoit 700 millions de francophones à l’horizon 2050, la presse francophone est-elle prête à saisir cette opportunité ?
Oui, ce chiffre laisse rêveur… ! C’est une projection démographique… Et ce chiffre ne sera atteint qu’à la condition d’un environnement propice au français ! Encore une fois, école, université… Et médias bien sûr ! Comment pourrait-on envisager le maintien et le développement du français s’il n’existe pas de médias francophones dynamiques et de qualité ? Les médias francophones doivent bien sûr saisir cette opportunité… qui ne se concrétisera que si des médias francophones y contribuent ! Aidez les médias francophones, les médias francophones aideront la francophonie
Un nombre important de francophones sont en situation minoritaire. Situation parfois critique, comme celle des francophones de Flandre. Quel rôle la presse peut-elle jouer dans de tels cas ?
Essentiel ! La réponse est en filigrane dans vos précédentes questions : dans une telle situation de minorité les médias francophones ont besoin d’être aidés pour se développer. C’est d’autant plus indispensable que le contexte économique et linguistique les marginalise de plus en plus. Ici, l’OIF peut jouer un rôle majeur et contribuer à développer des médias indispensables au maintien et au développement du français. Les médias francophones y contribueront d’autant plus qu’ils sauront être les meilleurs en termes de qualité de l’information, d’originalité, d’innovation… mais encore leur faut-il avoir les moyens de ces ambitions. Rompre cette sorte de cercle vicieux ne peut se faire sans aide. C’est ce qui rendra possible d’installer un cercle vertueux.