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Le peuple arménien, fervent défenseur de son identité et de la démocratie
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Le peuple arménien, fervent défenseur de son identité et de la démocratie

4 octobre 2018 - par Anne-Françoise Counet 
 - © Arnaud Galy - Agora
© Arnaud Galy - Agora
La Place de la République - Erevan

Hôte du XVIIe Sommet de la Francophonie, l’Arménie relève un beau défi après le moment historique de sa « révolution de velours » du printemps dernier.

Pays dont la superficie est à peu près semblable à celle de la Belgique, mais qui compte à peine trois millions d’habitants, l’Arménie située géographiquement à cheval entre l’Europe et l’Asie, a des frontières terrestres avec la Turquie à l’ouest, la Géorgie au nord, l’Azerbaïdjan à l’est et l’Iran au sud. Constitué de plateaux et de chaînes montagneuses très élevées, près de 90 % du territoire se situent à plus de mille mètres d’altitude. Le paysage arménien se caractérise également par ses lacs et notamment le lac Sevan, qui fait plus de 1.200 km2 et se trouve à près de 1.900 mètres d’altitude. Une région qui connaît une grande activité sismique. On se souvient du dernier grand tremblement de terre qui a fait plus de vingt-cinq-mille morts, en décembre 1988.

Une très forte identité

Tout au long de leur histoire, les Arméniens ont toujours cherché à renforcer leur unité et leur identité menacées. Ils restent farouchement attachés à leur culture, leur religion et leur langue. L’Arménie est l’une des plus anciennes civilisations au monde. La première nation à avoir adopté le christianisme comme religion officielle, au début du IVe siècle. C’est le moine Mesrop Machtots qui a inventé l’alphabet arménien et ainsi rendu possible la traduction de la Bible dans cette langue. La création de cet alphabet a aussi permis de garantir la pérennité de la langue arménienne, ainsi que de la culture. Aujourd’hui encore, Machtots pour les Arméniens représente la plus éminente figure ; c’est l’homme qui a sauvé son peuple en sauvant sa langue.

La religion chrétienne joue un rôle particulièrement important. C’est un autre catalyseur de l’identité nationale permettant de marquer la différence à la fois par rapport au califat musulman et à l’Empire byzantin. Le christianisme de l’Arménie n’est ni catholique romain ni orthodoxe, c’est une Église indépendante.

Le monastère de Géghard

L’arménien est la seule langue officielle du pays. Une langue indo-européenne isolée qui, comme l’albanais ou le grec, ne peut être formellement rattachée à aucun autre idiome. C’est une langue caractérisée par une longue tradition, puisqu’elle est âgée de quelque 2.500 ans, soit trois fois plus que le français ou l’anglais. Elle a subi fortement les marques de l’influence persane (iranien) dont elle a emprunté un bon millier de mots ainsi que du grec et du russe. L’intégration de l’Arménie à l’URSS a en effet, conduit à la russification du pays également du point de vue linguistique, mais depuis l’indépendance la langue nationale a repris le dessus.

Un passé douloureux

L’« Arménie historique » couvrait quelque 300.000 km2, s’étendant de la Méditerranée à la mer Caspienne, au carrefour de plusieurs grandes cultures, mais les aléas de l’histoire ont fait en sorte que sa superficie se réduise de 90 % en raison d’occupations étrangères successives. Notamment, à la fin du XIXe siècle, lorsque les Turcs ottomans et
les Russes se sont partagé une grande partie de la région.

Le peuple arménien a payé très cher sa résistance contre ceux qui voulaient s’approprier son territoire. Le génocide, perpétré par l’Empire ottoman en 1915, a coûté la vie à 1,2 million d’Arméniens au moins. A cette époque, de très nombreuses personnes ont fui et se sont installées à l’étranger formant une importante diaspora. On estime que seul un Arménien sur trois habite sur les terres de l’actuelle République d’Arménie. Les plus grandes communautés se trouvent dans les pays voisins dont la Russie et la Géorgie ainsi qu’aux États-Unis et en France.

En 1920, l’Arménie devient une République socialiste soviétique. Après la dissolution de l’URSS, elle accède à son indépendance en 1991. Ses relations avec ses voisins restent difficiles. Des tensions récurrentes opposent Arméniens et Azéris autour du destin de la région du Haut-Karabagh, région enclavée en Azerbaïdjan et peuplée, en très grande majorité, par des Arméniens. Les rapports avec la Turquie sont également très tendus notamment au sujet de la reconnaissance du génocide de 1915. Par contre, l’Arménie garde des liens, notamment économiques, avec la Russie et fait partie de la même union douanière. Cela permet de pallier le désavantage géopolitique de l’enclavement arménien puisque 84 % des frontières sont fermées par des voisins hostiles. L’Arménie se tourne également vers l’Occident puisqu’en 2001, elle a adhéré au Conseil de l’Europe et signé à la fin des années 90 un accord de partenariat et de coopération avec l’Union européenne.

Tsitsernakaberd - Mémorial du Génocide

Une économie en transition

Après la chute de l’URSS, à l’instar des autres anciennes républiques soviétiques, le passage à l’économie de marché ne s’est pas fait sans mal. Comme les frontières ne sont ouvertes qu’avec la Géorgie et l’Iran, l’Arménie est dépendante de ses relations avec la Russie que ce soit pour ses approvisionnements énergétiques (gaz-pétrole) ou les investissements dans les transports et les télécommunications. L’agriculture, elle, est entravée par le climat très sec et chaud en été et fort rigoureux en hiver ainsi que par le relief montagneux. Cependant, la nature volcanique des sols et l’irrigation permettent de bonnes récoltes dans les régions de plaines et plateaux. Les technologies de l’information et de la communication (TIC) et le tourisme sont des secteurs en pleine évolution.

Heureusement, l’économie arménienne profite d’un large soutien des organisations internationales et de la diaspora, mais elle est gangrénée par la corruption et jusqu’à la récente révolution, elle restait aux mains du président et de quelques oligarques de son entourage. Un tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté. Selon la Banque mondiale, le taux de chômage des jeunes dépasse les 35 % et nombreux sont les Arméniens qui partent à l’étranger, notamment en Russie, pour trouver du travail.

Une révolution pacifique

En mars dernier, au terme de deux mandats, le président Serge Sarkissian a changé la constitution et s’est fait nommer Premier ministre pour rester à la tête du pays. Une décision qui a exaspéré la population et l’a poussée à se dresser contre le pouvoir. Nikol Pachinian, un député de l’opposition a mené la révolte en marchant sur la capitale bientôt suivi par des centaines de personnes. «  Jamais nous n’aurions cru qu’on pourrait arriver à faire basculer le pouvoir  », nous ont raconté plusieurs Arméniens. « Nous avons su que quelque chose d’important allait se passer quand nous avons vu dans la rue, aussi bien les grands-pères que les jeunes mamans avec leurs bébés, les riches, les pauvres ou les handicapés. Tout le monde manifestait pacifiquement, sans aucune violence. C’était impressionnant et émouvant. Cette révolution, ce sont les gens de la rue qui l’ont faite. »

Dans ce mouvement, la jeunesse n’est pas en reste. Lors du forum qu’ils ont organisé les 11 et 12 septembre, en préparation au Sommet de la Francophonie, ces jeunes ont insisté sur la responsabilité qu’ils avaient de faire bouger les lignes et de ne pas attendre que le système le fasse pour eux. La Secrétaire générale de la francophonie venue les encourager n’a d’ailleurs pas manqué de souligner l’importance de la responsabilité citoyenne pour faire avancer la démocratie. L’adhésion de l’Arménie à l’Organisation internationale de la Francophonie sera un atout pour faire progresser le pays sur le chemin de la bonne gouvernance à laquelle aspirent ardemment tous les Arméniens.

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