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Carnets Vanteaux - "La Musique des phrases" II

Carnets Vanteaux - "La Musique des phrases" II

3 octobre 2021 - par Julie Mougenot 

CONSIGNE : "La Musique des phrases".
Ecrire (au maximum une page A4) après avoir écouté "Casta Diva" chanté par Callas :
(l’objectif n’est pas d’illustrer cette "pièce" musicale mais de travailler la MUSIQUE de votre écriture).


Carré de lumière au centre de l’immensité de la nuit. Elle était là, à quelques mètres de lui. Il observait le calme de la maisonnée et se préparait déjà mentalement à l’horreur qu’il allait perpétuer. Il avait tout préparé, tout planifié, tout répété. Dans une heure au plus tard, il repartirait comme il était arrivé.
Il s’était approché à pas de loup ; de ceux qui ne perdent pas de vue le festin qu’ils étaient sur le point de dévorer, prêt à bondir, gueule ouverte et griffes acérées. Elle se préparait pour aller se doucher, brebis innocente dont on allait bientôt ôter la vie. Son rituel, il le connaissait : l’eau chaude coulerait pendant qu’elle se démaquillerait puis observerait son teint fatigué avant d’aller se laver.

Lorsqu’il entra par une fenêtre de la véranda qu’on avait oublié de refermer, il prit garde à ne rien renverser. Il monta les marches qui menaient à l’étage et sut immédiatement quelle porte du couloir conduisait à la chambre et plus accessoirement, au lieu du crime. Il traversa la pièce, la main dans sa poche qui serrait fermement le couteau suisse qui sévirait. Plus il s’approchait, plus il l’entendait chantonner comme si le monde avait décidé de continuer à tourner. Il s’avança encore, et encore jusqu’à coller son oreille sur la porte entrebâillée. Il n’avait plus qu’à entrer, se la jouer à Hitchcock pour la tuer, et en trois coups ce serait plié. La lame étincela lorsqu’elle montra ses canines et se souleva au moment même où il poussa la porte pour entrer. Il s’avança plus confiant, avec rapidité, le sang pulsait dans ses veines, le chasseur prêt à chasser. La mâchoire allait s’abattre, prête à en découdre, tout déchiqueter lorsque tout à coup, on éteignit le robinet.
Il rebroussa chemin, trottina sur la pointe des pieds jusqu’à la chambre où il était arrivé, là où l’heure du crime avait commencé. Il eut tout juste le temps de se glisser sous le lit que déjà, elle sortit drapée d’une serviette qui glissa à ses chevilles lorsqu’elle vint s’asseoir sur le matelas pour s’hydrater. Il soupira, prit le temps de retrouver son sang-froid. Il allait y arriver, d’ailleurs le courage revint lorsqu’il attrapa un collant qu’elle avait laissé traîner. Lentement et sans un bruit, il s’extirpa de sa cachette, le tissu entre ses mains prêt à encercler son cou comme un traître serpent enlacerait sa victime avant de l’étouffer. Un sourire carnassier trahit ses lèvres, il était à deux doigts d’y arriver. Il se penchait lentement au-dessus du lit, pouvait d’ores-et-déjà renifler les effluves de la petite souris qu’il allait tuer, son sang s’était remis à pulser, son cœur à cogner. Il suait, sa gorge se serrait. Il s’apprêtait à la saisir sans lui laisser le temps de souffler que déjà elle se relevait. Quelle plaie. Quand s’arrêterait-elle de gesticuler ?
La tension retomba et à nouveau, il se cacha. Allez mon gars reprend-toi. Elle disparut à la salle-de-bain et il en profita pour redescendre dans le salon, au rez-de-chaussée. Il avait tout prévu sauf peut-être la façon dont il allait la tuer. Il s’était uniquement repassé le film du rituel de ses soirées, la façon dont il allait pénétrer dans la propriété… Il sortit un verre à pied qu’il remplit d’un breuvage laissé de côté, il savait ô combien elle adorait le déguster sur fond de musique classique et de feu de cheminée. Il y ajouta l’ingrédient clé qui lui garantirait la petite mort assurée. Il n’aurait qu’à le laisser traîner et elle penserait avoir oublié qu’elle se l’était préparée. Il la regarderait tranquillement s’intoxiquer. En parlant du loup – il ricana de sa propre blague, la voilà qui arrivait fraîchement prête à mourir en beauté. Il l’entendait marcher dans sa direction, prête à embrasser la faucheuse rouge. L’apothéose lorsqu’il la regarderait s’écrouler en toussant tout ce qu’elle pourrait pour tenter de retrouver le souffle qu’on lui aurait coupé. Mais voilà, il avait laissé le placard ouvert sans penser à le refermer. Cette fois-ci tout son être tressailli, victime de sa propre connerie. Agité, il ne parvenait plus à penser, il n’avait pas le temps d’aller le refermer. Trouver une solution, vite, avant d’être repéré. Dans la confusion, sa main moite attrapa le vin et le descendit d’une traite oubliant déjà le Mal qu’il y avait glissé. Il se dit que ça l’aiderait, avant de regretter. C’était trop tard, le glas avait sonné. Le verre tomba, se brisa en éclat. Elle s’arrêta, il s’écroula. Effarée, elle l’observa, il était là, en train d’agoniser presque à ses pieds.

Lorsqu’il eut fini de gémir comme une mouche qu’on venait d’écraser, elle le contourna. Elle s’était à son tour servie puis était allée délicatement s’installer. Sur son visage incroyablement serein, un sourire fendit ses lèvres devant le corps éteint.

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